Richard Le Normand : ''C'est un combat pour un modèle de société"
Lundi 25 novembre 2024 à 16h30, Radio Prévert est allée au siège du Carroi, association basée à La Flèche et qui propose des activités, des spectacles, des expositions et organise le festival de rue « Les Affranchis ». Une émission spéciale avec Richard Le Normand, le directeur, qui a participé le matin même à la manifestation organisée à Nantes à l'appel du Collectif Culture en lutte. Une mobilisation en réaction aux coupes budgétaires annoncées par la présidente du Conseil régional des Pays de la Loire et qui pourraient fortement impacter plusieurs structures.
Bien évidemment nous avons voulu savoir comment Monsieur Le Normand a la lecture de cette déclaration faite par Madame Morançais sur sa page Linkedin :"La culture serait donc un monopole intouchable ? Le monopole d’associations très politisées, qui vivent d’argent public. Je suis la cible de militants qui m’accusent de vouloir arrêter les subventions régionales à leurs structures. A moi seule, je voudrais « détruire la culture » (la culture subventionnée, je précise) … Rien que ça ! Mais je m’interroge : quelle est la pérennité d’un système qui, pour exister, est à ce point dépendant de l’argent public (y compris venant de collectivités dont les compétences légales en matière de culture sont très limitées) ; et à plus forte raison quand cet argent public n’existe plus ?"
Nous avons également demandé à notre invité s'il a eu des contacts avec la Région ? Si la présidente du Conseil régional n'est pas dans la légalité en s'orientant vers de telles mesures ? En cas de confirmation des annonces, quelles seraient les répercussions concrètes sur les projets menés notamment avec le concours financier de la Région ? Comment se mobiliser dans les différents secteurs ?
Et pour commencer cette émission, lorsque nous lui avons demandé quel est son état d'esprit dans le contexte actuel, Richard Le Normand, très inspiré et très remonté, s'est lancé dans une longue tirade dont nous reproduisons ci-dessous le verbatim :
"Ce n'est pas facile d'exprimer l'état d'esprit, ce qui est sûr, c'est que je suis empreint de beaucoup d'émotions depuis quelques temps. Je ne sais pas si dans le milieu, on est sidéré, abasourdi, groggy ou si on est profondément en colère ou ulcéré. Mais je crois que c'est un mélange probablement de tout ça. Je pense que la colère est latente parce que c'est une mise à mort d'énormément d'actions, d'actions qui font sens, d'actions qui font lien, qui permettent aux gens l'épanouissement, le divertissement, mais bien d'autres choses en parlant du secteur associatif, des droits des femmes. Je pourrais rajouter évidemment tout ce qui est fait pour les plus démunis. J'entends aussi par là, par exemple, les jeunes qui cherchent à se réinsérer via les Missions locales, tout un tissu qui fait que les gens qui ont moins de chance dans la vie sont accompagnés main dans la main pour avoir une certaine forme de dignité, une certaine forme d'espérance, d'avenir ! Et c'est ça qui est remis en question aujourd'hui. C'est ahurissant de vous tenir ses propos et d'imaginer que le modèle de société en France va ressembler à cela, à un désert, à un désert d'humanité. Donc forcément, j'ai beaucoup d'émotions, beaucoup de colère. Mais je ne sais pas comment cette colère va se traduire, parce c'est que quand on est mis à mort on a deux options : ou on ferme les yeux et on attend le coup final ou alors on se tient debout tête bien droite et on résiste. Et je crois qu'on ne va pas mourir sans résister . En tout cas, on ne doit pas mourir sans résister. Parce qu'on défend oui nos intérêts (de notre secteur d'activité, du vôtre, les radios, le nôtre, la culture) mais aussi celui des gens qui s'investissent pour le sport, pour la dynamique des associations du territoire, tous ces bénévoles qui œuvrent au service des autres qui permettent que notre société tienne encore debout et qu'on soit collectif, qu'on la joue collectif, pour paraphraser nos amis du sport. Parce que sans ça c'est une catastrophe c'est une société nauséabonde vers laquelle on se destine. Donc il va falloir résister, parce que comme vous l'avez évoqué le budget primitif sera normalement voté les 19 et 20 décembre et que jusque-là tous les coups de fil, tous les SMS, tout éventuel mail ou courrier qui sont reçus par toutes les structures du territoire régional n'ont aucune valeur. C'est une information, mais tant que le budget n'est pas voté ça n'a aucune valeur. Et il y a quand même des choses qu'il faut bien avoir à l'esprit, c'est que la présidente de région dans ses annonces tient des propos zélés sur les réductions budgétaires à opérer alors même qu'elle ne connaît pas l'effort national qui lui sera demandé puisque le budget de l'État n'est pas encore voté. Plutôt que de se dire par précaution, on reporte le budget on prend le temps de la réflexion on reçoit l'ensemble des opérateurs du territoire algérien pour dialoguer et pour étudier ensemble comment on tient un budget à l'équilibre parce que oui nous sommes lucides l'État a des difficultés financières donc les collectivités ont des situations aussi complexes on est des grandes personnes on est capable d'entendre mais on est assurément pas capable de faire face à ce mépris et à ce qui semble être une casse irrémédiable parce que on a passé peut-être 80 ans là à structurer la décentralisation à structurer un modèle de société et là en l'espace de rien on va faire écrouler tout un édifice. C'est vertigineux".
https://www.change.org/p/pays-de-la-loire-plus-de-1000-artistes-et-professionnels-de-la-culture-se-mobilisent